19 mars 2017

Suréquipée




Lorsque la BlackJag a été mise en vente, il était évident qu’elle allait révolutionner le marché de l’automobile. Constitué uniquement de matériaux organiques, qui en font pour ainsi dire une voiture vivante, ce nouveau modèle a tout pour plaire. Le prototype qui a servi aux séances de démonstration devant la presse est aujourd’hui revenu en atelier : son propriétaire a disparu ; peut-être la BlackJag a-t-elle gardé en mémoire des éléments qui permettront de le retrouver. Écoutons-la nous raconter son histoire.



Je tiens à remercier la TeamLivraddict et les éditions Folio SF pour ce partenariat.

Je dois dire que la première de couverture ne paye pas tant que ça de mine si on la compare aux autres parutions de cet éditeur, mais comme la voiture est au centre de ce livre, on ne pouvait pas rêver mieux.

La forme change énormément des romans du genre. Alliage entre Thriller et Science-Fiction, on découvre la disparition d’un certain Antoine, propriétaire de la voiture remise en cause, par le biais d’enregistrements délivrés par cette dernière. Dit ainsi, ce n’est pas très clair, et je m’en excuse, pourtant l’idée est assez simple.
La voiture est une sorte d’entité vivante, un être organise pensé par un scientifique nommé Franck. Ce dernier a voulu insuffler une conscience à cette machine, si bien que la voiture va se retrouver avec des pensées telles que « Est-ce que je rends heureux mon conducteur ? » ou encore « Comment améliorer son confort lors de sa conduite ? ». Pour un premier point, je trouve cela intéressant car cela amène une première réflexion sur notre utilisation de la technologie et comment améliorer cette dernière pour un emploi optimal.
Ainsi la voiture va nous « parler » par le biais de Jane, un programme capable de traduire les pensées mécaniques avec des mots humains. Par le jeu de retours en arrière et de temps mêlés entre divers passés et le présent, le lecteur comme la justice va découvrir l’envers du décor et les problèmes éthiques que la création d’une telle voiture va entraîner. Se posent alors les questions du genre « les machines peuvent-elles ressembler à des humains ? » ou encore « la machine est-elle un être vivant et indépendant ? ». Des questions faisant échos à quelques conférences menées lors des Utopiales 2016, qui ont prolongé cette réflexion. Et puis, comme je le disais plus haut, y’a également une remise en question des mœurs humaines sur un plan différent. Ca me rappelle un peu la zoophilie mais à une échelle différente. Enfin, en écrivant cette critique, j’ai l’impression que Grégoire Courtois élève la machine au rang d’humain quand il rabaisse l’humain au rang d’animal. Je ne peux pas vraiment développer la théorie sans quoi je risque de tout vous dévoiler, mais y’a une réelle réflexion derrière ce roman pourtant très, très court (161 pages) et c’est ça qui vaut tout l’enjeu de ce bouquin !
J’ai pris un grand plaisir à parcourir ce roman, car c’est une science assez méconnue, elle est ici osée et apporte une réelle réflexion, ce qui n’est pas le cas de tous les romans de science-fiction.
La fin gagne en prévisibilité au fur et à mesure du récit. Plus on comprend le rapport entre l’humain et la machine et plus on devine ce qui va réellement se passer. L’horreur gagne mais également le dégoût envers certaines décisions. Comme le défend le scientifique, le problème ne venait pas de la voiture en elle-même.

A propos des personnages, le choix de la mise en forme empêche d’en apprendre énormément ou même de s’attacher à eux – encore que. De plus, cela ne collerait pas avec l’objectif du roman qui est vraiment centré sur la réflexion en elle-même et non pas les petits à-côtés.
La transformation d’Antoine au fil des enregistrements est marquante. C’est assez dérangeant de le constater mais voilà, je fus plusieurs fois gênée lors de ma lecture.
Franck a tout du père affectueux. C’est une image assez manichéenne de la science-fiction où le scientifique conçoit sa création comme son enfant, c qui est assez compréhensible. Il a passé beaucoup de temps à sa conception, il y a inséré de la sueur et de l’amour (les derniers mots le montrent clairement, bien qu’ils soient eux aussi dérangeants), il a essuyé des échecs et des frayeurs, bref, c’est un point qui ne me dérange pas. De plus, ses arguments restent valables et sa prise de position ne m’a aucunement dérangé.
C’est en revanche tout l’inverse avec le huissier qui l’interroge, où l’on sent bien que l’enquête prime avant tout. Pourtant, une fois le coupable révélé, il ne cherche pas à écouter les arguments, pour lui l’affaire est pliée et on passe à autre chose, sans réfléchir à l’éthique de la situation.
Quant à la voiture en elle-même, eh bien je ne veux pas trop m’étaler là-dessus mais en tant que lecteur, on est pris d’une certaine affection pour elle, ce qui renvoie aux questions précédemment posées.

La plume n’offre évidemment aucune surprise. Le plus souvent, on lit les paroles de Jane, le programme, donc l’auteur ne peut pas se permettre d’être poétique dans ses tournures de phrases, il faut qu’il aille droit au but, ce qui est plus cohérent. En revanche, quand Franck ou le huissier parlent, les sentiments passent davantage, ce qui montre la maîtrise de l’auteur de ce côté-là.



Une très bonne découverte qui pousse à la réflexion dans le rapport entre l’homme et la machine, en touchant parfois à l’éthique pour prolonger le roman et lui donner une saveur particulière. Les personnages ne sont pas forcément attachants mais cela ne gêne pas la lecture, d’autant que le livre est court donc l’auteur ne peut se permettre de développer cet aspect. On passe tout de même un excellent moment, même s’il faut apprécier l’enjeu de ce dernier si on veut ressortir satisfait de cette lecture. Pour ma part, ce fut le jackpot et je serai très curieuse de lire une autre publication de ce jeune auteur au talent prometteur.



16/20





2 commentaires:

  1. Une belle chronique, c'était en effet une belle petite réflexion qui fait un peu peur des fois xD

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    1. Ouais, si ça arrive un jour y'aura plus qu'à serrer les fesses ^^ Mais ce fut une réflexion intéressante, surtout quand ça tombe rarement dans un livre :)

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